Saturday, January 19, 2008

Le journal Le Devoir


Le journal Le Devoir a perdu plumes et forces. Chez moi et peut-être aussi chez ‘les gens d’esprit et de bien’ (soit l’audience officiellement visée par son fondateur, Henri Bourassa), ses éditoriaux inspirent trop souvent le désenchantement - coloré en revanche - un dépit qui tient peut-être à ce fait que la qualité des esprits qui l’ont dirigé jadis (de Bourassa à Bissonnette) y fait aujourd’hui tristement défaut. Il se dit officiellement 'libre de penser', mais on y refuse la publication de commentaires, figurant sur ce site, qui ne semblent pas s'enligner avec la politique éditoriale indépendante du journal. Tout cela, au dam peut-être des plus remarquables de ses chroniqueurs, qui le soutiennent encore honorablement.

Friday, January 04, 2008

Une affaire d’identités

Les débats qui entourent la question de «l’identité d’un peuple», au Québec comme ailleurs, ressemblent à une commedia dell’arte dans laquelle un certain nombre de politiciens et agents relayeurs cherchent à imposer leur propre scénario balkanisant, le plus souvent du moins bon goût.

Une erreur fondamentale y circule librement qui tient à cette idée que des millions d’individus partageraient aujourd’hui, en opposition à d’autres, une identité unique, et par là la «même racine», comme un seul arbre – une épinette, un bouleau ou un érable ? serait-on enclin à demander. On ne craint pas d’abuser, dans ce jeu de la division et des fausses réunions, de ces riches métaphores arboricoles, en plein champ patriotique – le pauvre jeu de mots est fortuit.

Ce qu’on souligne trop rarement, hors les cercles privés, c’est que toute personne développe des racines, en mouvance, au quotidien, et expose son propre feuillage, tantôt face au noroît, tantôt dans le calme, ici parmi les sommets enneigés, là-bas à l’orée des marécages. Aussi n’est-il pas nécessaire de se transporter au-delà du Québec des régions pour s’en convaincre. Des Québécois plutôt athées, religieux, chauvins, cosmopolitistes, conservateurs, libéraux, (in)tolérants, rationnels, passionnés, égalitaristes, compétitifs, unilingues, polyglottes, globe-trotteurs, sédentaires, conformistes ou rebelles s’y côtoient tous les jours. Rien qui ne surprenne. À la limite, d’aucuns seraient prêts à mourir au nom d’une certaine fierté chauvine alors que d’autres ne voient dans le nationalisme affirmé, avec Albert Einstein, qu’une «maladie infantile». Ajoutons que le patriotisme sain est une autre affaire!

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Est-il besoin de préciser (à l’intention des esprits épouvantés ou pressés de conclure!) que cela ne contredit en rien la recherche de certains idéaux communautaires, dans un esprit de tolérance et de respect? L’idéal de voir fleurir une langue largement partagée et d’en raffiner la maîtrise, à titre d’exemple. Ou de renforcer des institutions communes qui, elles, se distinguent peut-être plus monolithiquement que ne le peuvent les individus. Ou encore de maintenir des lois réconciliatrices, faire vivre et revivre des coutumes et traditions dont une nation se dit fière. Sur le chemin d'une 'identité nationale' plus généreuse...?

Ce discours nous déroute ? Apprenons à nous mieux connaître, répondrait Socrate. Et si pour cela nous devions expliquer à un parfait étranger ce qui fait de 'nous' ce que nous sommes, quelles phrases utiliserions-nous? Quels mots seraient ceux de nos voisins, à notre avis? Et si nous prenions le temps de leur poser la question, par curiosité...? Dans ma vision des choses, qui ne doit et ne peut être partagée par tous au sein d'une société libre, ces mots appartiennent d'abord à l'individu: vous et moi sommes plus grands que le Québec, aussi cher soit-il dans nos coeurs.

Pour abuser à notre tour des images sylvestres, proposons que les hommes n’ont pas moins d’identités que l’Arbre de Vie n’a de racines; du centre vers la périphérie, ainsi s'étendent-elles en symbiose. Le patriotisme sain, voire l'identité nationale généreuse, seraient plus justement affaires de symbioses, me semble-t-il. Autant d’invitations, somme toute, à la curiosité, l’effort et au dialogue.