Wednesday, November 05, 2008

I will listen to you

"I will listen to you, especially when we disagree" (Je vous écouterai et plus spécialement lorsque nous serons en désaccord) Ces mots sont ceux de Barack Obama, tirés de son discours d'hier. D'autres auraient pu retenir notre attention ici, dans d'aussi bons augures. Mais ils suffisent largement à inspirer la réflexion sur la pauvreté relative de nos échanges politiques. .

Car ne nous laissons-nous pas tenter précisément par le contraire? En interrompant le dialogue ou en refusant de tendre l'oreille quand on s'accorde mal? Ou encore en ajustant délibérément son discours, sans motifs autres que celui de chercher à obtenir l'assentiment d'un interlocuteur plus insistant que soi?

Je propose, au lendemain de ces paroles historiques, que l'on réfléchisse sérieusement aux questions suivantes, forcément controversées:

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Le Québec abrite-t-il une ou plusieurs 'identité(s)'? Chacun de nous, à son tour, abrite-t-il une ou plusieurs identité(s) ?

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Des identités plurielles (si elles existent bien) sont-elles irréconciliables avec des institutions communes, une langue officielle commune, une histoire politique commune ? Si oui, comment définir ce corps commun, dans ses relations avec l'esprit de solidarité qui doit animer une société engagée sur un chemin prometteur?

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Désirons-nous nous faire comprendre du reste de la francophonie mondiale en cherchant à préserver la 'langue française' au Québec ?

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La maîtrise de plus d'une langue s'oppose-t-elle à un sain développement culturel ?

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Quelle(s) voix, quel(s) message(s) les Québécois souhaiteraient-ils faire entendre, originalement, sur la scène mondiale? Leur est-il impossible de les diffuser sans l'accord d'Ottawa ? Les Québécois sauraient-ils offrir au reste du monde une vision nouvelle de l'identité nationale?

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La candidature d'un écrivain québécois francophone, aujourd'hui, serait-elle forcément éliminée par le comité désigné de la fondation Nobel ?

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Ce site ouvre des pistes de discussion sur ces objets. Au cours de l'an 2011, elles feront l'objet d'une synthèse qui sera soumise à l'ensemble des grands quotidiens du Québec. À suivre...

Friday, July 11, 2008

Le courage politique de Barack Obama

Barack Obama déplore l'unilinguisme:


















«Cela étant, je suis d’accord pour dire que les immigrants devraient apprendre l’anglais. Mais comprenez ceci : au lieu de vous faire du mauvais sang au sujet de l’apprentissage de l’anglais par les immigrants - ils apprendront l’anglais -, vous devriez vous assurer que vos enfants parlent l’espagnol. (…) Nous devrions nous assurer que chaque enfant parle plus d’une langue.»
«C’est gênant, quand les Européens viennent ici, ils parlent tous l’anglais, ils parlent le français, ils parlent l’allemand. Et lorsque nous allons en Europe, tout ce que nous pouvons dire est merci beaucoup
(traduction de R. Hétu)
Son discours n'est-il pas encourageant?!

Saturday, May 31, 2008

Une lecture tendancieuse du rapport Bouchard-Taylor











Le journal Le Devoir publie aujourd’hui un texte dans la série Devoir de philo. Il s’intitule “Marcuse, inspirateur de la commission Bouchard-Taylor” et fut écrit par un doctorant de l’UQAM (ce dernier privilégié du journal, curieusement, a tout l'air de publier librement dans Le Devoir ce qu'il veut quand bon lui semble. Un quotidien 'indépendant' est devenu son blogue populaire, pourrait-on dire!).

Le texte laisse perplexe. Il ne satisfait ni aux canons de l’objectivité minimale, ni à ceux de l’apparence d’objectivité. L’auteur refuse d’abord de reconnaître la distinction retenue par les commissaires entre 'interculturalisme' et 'multiculturalisme'. La position de ces derniers n’est pourtant pas obscure (cf. p. 41-42 du sommaire du Rapport):

Souvent évoqué dans des travaux universitaires, l’interculturalisme en tant que politique d’intégration n’a jamais fait l’objet d’une définition complete et officielle de la part de l’État québécois bien que ses principaux elements constitutifs aient été formulés depuis longtemps. Cette lacune devrait être comblée, d’autant plus que le modèle du multiculturalisme canadien ne semble pas bien adapté à la réalité québécoise, et ce, pour quatre raisons :a) l’inquiétude par rapport à la langue n’est pas un facteur important au Canada anglais ; b) l’insécurité du minoritaire n’y est pas présente ; c) il n’existe plus de groupe ethnique majoritaire au Canada (les citoyens d’origine britannique y représentent 34 % de la population, alors que les citoyens d’origine canadienne-française forment au Québec une forte majorité d’environ 77%) ; d) il s’ensuit qu’au Canada anglais, on se préoccupe moins de la préservation d’une tradition culturelle fondatrice que de la cohésion nationale.

De façon générale, toute collectivité a intérêt à maintenir un minimum de cohésion. C’est grâce à celle-ci qu’elle peut se doter d’orientations communes, assurer la participation des citoyens à la délibération publique, créer un sentiment de solidarité nécessaire au fonctionnement d’une société égalitaire, disposer d’une capacité de mobilisation en cas de crise et profiter de l’enrichissement lié à la diversité ethnoculturelle. Pour une petite nation comme le Québec, toujours préoccupée de son avenir comme minorité culturelle, l’intégration représente en outre une condition de son développement, voire de sa survie
.”

Et si cette distinction s'avérait 'dépassée' aux yeux de certains analystes, ces derniers seraient bien vus d'en faire la démonstration autrement qu'en usant de pauvres appels à l'autorité - 'Monsieur X, de la prestigieuse université Y a dit Z'! Pourrait-on faire l'effort de saisir qu'on peut ici (1) bâtir quelques ponts, prudemment, entre ce qu'on appelle des cultures diversifiées (l'approche inter-culturelle) ou là (2) décourager le tracé de ces ponts tout en encourageant la diversité culturelle (l'approche multi-culturelle)? Et pour plus de précisions, comprendre que suivant l'approche inter-culturelle, tous les ponts entre cultures devraient idéalement présenter des profils originaux, adaptés aux rives qu'ils unissent?

Suffit-il de garder cela en mémoire pour craindre que l’auteur ne fasse violence au rapport des commissaires en saupoudrant son propre texte d’exagérations, plus ou moins éhontées. Ainsi les commissaires, inspirés par un « radicalisme idéologique », souhaiteraient un peuple « infiniment tolérant » et « inlassablement ouvert au dialogue ». Ils voudraient au surplus « criminaliser » (le mot est repris plus d’une fois – on pardonnera le juriste de salon) les positions opposées à la leur. Comme si ces commissaires n’avaient pas déjà fait preuve de modération dans l’expression de leurs idées, et de sagesse dans le développement de certains dialogues. Une lecture attentive du rapport, du reste, saurait peut-être calmer les réflexes dirait-on épouvantés de l’auteur.

Poursuivant sa tirade, ce dernier donne à penser - et c’est quelque peu lamentable de la part d'un jeune penseur brillant - que les commissaires se seraient donné pour mission totalitaire de combattre la défense d’une identité nationale perçue comme « une marque de xénophobie ou de racisme » alors que les commissaires ont maintes fois expliqué qu’ils faisaient plutôt face à un malaise résultant d’une certaine peur de l’inconnu. Il y a un monde à découvrir entre ces deux difficultés, me semble-t-il. Souhaitons que plus d’objectivité n’effarouche pas davantage l’intellectuel en herbe. Bref, invitons-le à dialoguer.

Le plus farfelu dans cette affaire, c’est le traitement du journal Le Devoir. Sous l’étiquette de l’objectivité analytique qui devrait accompagner un ‘devoir de philo’, il dissimule curieusement son parti pris pour certains interlocuteurs. Considérons avec humour les tentatives de ce journal de transposer l’énervement d'un de ces interlocuteurs favoris sur la personne de Monsieur Bouchard!

Thursday, March 06, 2008

Le prix Nobel selon Victor-Lévy Beaulieu

Monsieur Victor-Lévy Beaulieu soutient qu’un écrivain québécois ne saurait remporter le prix Nobel de littérature avant que le Québec ne devienne indépendant. C’est à tout le moins ce que l’extrait suivant de l’édition du 2 mars de La Presse donne à penser :

La journaliste :
« Je lui demande si, sans l’indépendance, ce serait possible qu’un écrivain québécois puisse recevoir cet honneur. »

Victor-Lévy Beaulieu :
« Non. Parce que les prix Nobel sont accordés à des pays (sic) qui ne laissent pas le reste du monde indifférent. »

Il s’agit d’une préoccupation maladive, à laquelle je ne trouve pas le remède, mais qu’on examine avec plus d’aise sous un éclairage moins glauque.

La prétention de Monsieur VLB s’accompagne de deux idées douteuses.

La première suggère qu’une langue adopte un pays et qu’un pays adopte une langue (et non pas deux ou plus). Notons qu’il ne s’agit pas d’un fait, mais bel et bien d’une idée. Car dans les faits, sur la surface de cette planète, nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent pas dans cet ‘idéal’ unitaire, aux origines strictement européennes. Les habitants de la Chine, de l’Inde et du Nigéria, à titre d’exemple, qui rassemblent près de la moitié de la population mondiale, ne partagent aucune langue commune au sein de leurs frontières politiques respectives. L’Inde reconnaît ainsi 18 langues officielles parmi les centaines en usage sur son territoire. Le mandarin de Pékin, à mille lieux signalétiques du cantonais, s’apparente mal au dialecte préféré à Shanghai, faut-il rappeler. Plus de 500 langues et dialectes sont couramment parlés au Nigéria, l’anglais y demeurant l’instrument d’un cercle minoritaire. Il semble que des populations au lourd héritage historique s’avèrent plus complexes que ne le souhaiterait Monsieur VLB : les habitants de ces pays (mis à part peut-être, dans le cas indien, les partisans du Bharatiya Janata, ce parti rétrograde et ultranationaliste) ne considèrent pas la langue comme l’élément rassembleur central de leur 'culture commune'.

Pour souligner l’évidence, il ne s’ensuit pas que tous y soient unilingues. Grâce aux millions d’individus bilingues et polyglottes, toutes les tours de Babel ne condamnent pas à l’incompréhension. Et l’esprit d’excellence et de rigueur peut faire modèle à cet effet ; les Hollandais s’expriment souvent dans un anglais charmant que le Londonien unilingue anglophone de la rue gagnerait parfois à imiter, ne serait-ce qu’aux fins d’enrichir son vocabulaire. Cette richesse plurielle entache-t-elle de quelque manière la littérature des Hollandais ? La question est aussi saugrenue que l’idée de ne réserver le prix Nobel de littérature qu’aux écrivains de nations qui auraient (délibérément?) fait le choix de l'unilinguisme.

Cela nous conduit à la deuxième idée sous-jacente aux prétentions de Monsieur VLB : une nation privée d’un siège individuel à l’ONU ne serait pas digne d’intérêt ; elle laisserait « le reste du monde indifférent ».

Il s’agit d’une provocation, sauf à présumer que Monsieur VLB n’a jamais eu connaissance des puissants échos du Québec à l’étranger, ce qui est improbable. Cette idée fausse n’en demeure pas moins condamnable pour cette autre raison qu’elle invite les québécois à n’envisager, devant les problèmes du nouveau millénaire, que les solutions des tout derniers siècles. Comment, semble-t-on se demander au Québec, faire davantage rayonner le fait français qui y a pris racine tout en ménageant des rapports de sympathie identitaire avec le reste du Canada ? Plus dramatiquement, comment mieux y asseoir une certaine "souveraineté culturelle" avec les bases d’une forte solidarité pancanadienne en cas de crises - a mari usque ad mare? Les Catalans, nos cousins en quelque sorte, font preuve d’une sagesse rare en de semblables égards parce que, à la différence du Québec par devers le Canada, la Catalogne est effectivement le moteur économique de l’Espagne. En délibérant dans le calme et en ne laissant pas s’envoler les passions sans le guide de la raison, Québécois et Catalans offrent déjà au reste du monde le modèle d’un comportement politique exemplaire à l’amorce d’un siècle qui s’annonce perturbé.

J’invite Monsieur VLB à penser comme un grand homme, tel qu’il se présente, dans la pleine mesure de son intelligence et de son remarquable pouvoir imaginaire. Pour sa bonne fortune, on pourra souligner que la fondation Nobel sanctionne inhabituellement ceux qui pensent autrement. Je l’invite donc à soutenir le projet de constituer, avec les habitants de la Catalogne, du Pays Basque, de la Belgique wallonne et flamande, du Kashmire, de la Corse et des Premières Nations, entre autres, une Assemblée mondiale des nations auto-déterminées dans le but de faire valoir leurs intérêts communs sur la scène mondiale et d’enrichir ainsi plus assurément leurs pouvoirs locaux en matière culturelle. Dans un esprit de dialogue avec les institutions internationales existantes, ce parlement mondial disposerait d’une base permanente ou plurielle et rotative. La promotion et la reconnaissance pacifique de la diversité culturelle y figureraient au premier ordre du jour. Des politiques d’éducation, d’immigration et de recherches comparées, des programmes d’échanges culturels, des prix et forums internationaux seraient au nombre des projets à examiner. Avec un peu de chance, cette initiative se profilerait comme celle de respectables pionniers politiques et l’Histoire – dont Monsieur VLB s’inquiète trop humblement de devenir un ‘débris’ – se chargerait peut-être de nous le rappeler!

Saturday, January 19, 2008

Le journal Le Devoir


Le journal Le Devoir a perdu plumes et forces. Chez moi et peut-être aussi chez ‘les gens d’esprit et de bien’ (soit l’audience officiellement visée par son fondateur, Henri Bourassa), ses éditoriaux inspirent trop souvent le désenchantement - coloré en revanche - un dépit qui tient peut-être à ce fait que la qualité des esprits qui l’ont dirigé jadis (de Bourassa à Bissonnette) y fait aujourd’hui tristement défaut. Il se dit officiellement 'libre de penser', mais on y refuse la publication de commentaires, figurant sur ce site, qui ne semblent pas s'enligner avec la politique éditoriale indépendante du journal. Tout cela, au dam peut-être des plus remarquables de ses chroniqueurs, qui le soutiennent encore honorablement.

Friday, January 04, 2008

Une affaire d’identités

Les débats qui entourent la question de «l’identité d’un peuple», au Québec comme ailleurs, ressemblent à une commedia dell’arte dans laquelle un certain nombre de politiciens et agents relayeurs cherchent à imposer leur propre scénario balkanisant, le plus souvent du moins bon goût.

Une erreur fondamentale y circule librement qui tient à cette idée que des millions d’individus partageraient aujourd’hui, en opposition à d’autres, une identité unique, et par là la «même racine», comme un seul arbre – une épinette, un bouleau ou un érable ? serait-on enclin à demander. On ne craint pas d’abuser, dans ce jeu de la division et des fausses réunions, de ces riches métaphores arboricoles, en plein champ patriotique – le pauvre jeu de mots est fortuit.

Ce qu’on souligne trop rarement, hors les cercles privés, c’est que toute personne développe des racines, en mouvance, au quotidien, et expose son propre feuillage, tantôt face au noroît, tantôt dans le calme, ici parmi les sommets enneigés, là-bas à l’orée des marécages. Aussi n’est-il pas nécessaire de se transporter au-delà du Québec des régions pour s’en convaincre. Des Québécois plutôt athées, religieux, chauvins, cosmopolitistes, conservateurs, libéraux, (in)tolérants, rationnels, passionnés, égalitaristes, compétitifs, unilingues, polyglottes, globe-trotteurs, sédentaires, conformistes ou rebelles s’y côtoient tous les jours. Rien qui ne surprenne. À la limite, d’aucuns seraient prêts à mourir au nom d’une certaine fierté chauvine alors que d’autres ne voient dans le nationalisme affirmé, avec Albert Einstein, qu’une «maladie infantile». Ajoutons que le patriotisme sain est une autre affaire!

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Est-il besoin de préciser (à l’intention des esprits épouvantés ou pressés de conclure!) que cela ne contredit en rien la recherche de certains idéaux communautaires, dans un esprit de tolérance et de respect? L’idéal de voir fleurir une langue largement partagée et d’en raffiner la maîtrise, à titre d’exemple. Ou de renforcer des institutions communes qui, elles, se distinguent peut-être plus monolithiquement que ne le peuvent les individus. Ou encore de maintenir des lois réconciliatrices, faire vivre et revivre des coutumes et traditions dont une nation se dit fière. Sur le chemin d'une 'identité nationale' plus généreuse...?

Ce discours nous déroute ? Apprenons à nous mieux connaître, répondrait Socrate. Et si pour cela nous devions expliquer à un parfait étranger ce qui fait de 'nous' ce que nous sommes, quelles phrases utiliserions-nous? Quels mots seraient ceux de nos voisins, à notre avis? Et si nous prenions le temps de leur poser la question, par curiosité...? Dans ma vision des choses, qui ne doit et ne peut être partagée par tous au sein d'une société libre, ces mots appartiennent d'abord à l'individu: vous et moi sommes plus grands que le Québec, aussi cher soit-il dans nos coeurs.

Pour abuser à notre tour des images sylvestres, proposons que les hommes n’ont pas moins d’identités que l’Arbre de Vie n’a de racines; du centre vers la périphérie, ainsi s'étendent-elles en symbiose. Le patriotisme sain, voire l'identité nationale généreuse, seraient plus justement affaires de symbioses, me semble-t-il. Autant d’invitations, somme toute, à la curiosité, l’effort et au dialogue.