Monday, March 26, 2007

L'Assemblée mondiale des nations autodéterminées (AMNA)


Dans un esprit plus cosmopolitain, j’entrevois pour le Québec un rôle significatif dans la conduite future des nations minorisées qui depuis longtemps ont flirté, non sans obstacles, avec l’idée de ‘gagner’ à la mode ancienne des luttes d’affirmation nationale (e.g., les nations occupant la Catalogne, le Pays Basque, le Kashmire, l'Ecosse et le Tamil Nadu, entre autres candidates potentielles). Pour la première fois en Occident, un peuple minoritaire saurait-il, officiellement mais conditionnellement, renoncer à redéfinir la carte géopolitique, en considération des attentes aussi légitimes d’une nation majoritaire assagie, non violemment oppressive par devers ses minorités? Dans un nouvel esprit mondial, les effets multiples de la division territoriale, politique et symbolique d’une nation majoritaire pacifique, sur cette même nation, sauraient-ils être étudiés avec autant de sérieux que les ressorts de cette division ? Il s’agirait en définitive de rompre avec la dialectique ancienne et d’insuffler une pensée plus généreuse dans la gestion des affaires internationales, en maintenant ferme le gouvernail de la paix dans la mise en valeur des différences culturelles. René Levesque avait-il envisagé tous les moyens pacifiques d’affirmation politique avant de déclarer – je le cite approximativement – que ‘le Québec se passerait du reste du Canada plus aisément que celui-ci ne se passerait du Québec’. Sans grands doutes avait-il raison, pour des motifs non économiques, mais cette pensée de lui s’articule mal avec le nouvel esprit dont le Québec pourrait colorer l’ordre international.

Pourrait-on ainsi envisager l’établissement d’un Parlement mondial - réunissant des représentants du Québec, de la Catalogne, du Pays Basque, du Kashmire, des Premières Nations, de l’Ecosse, entre autres nations - avec la promotion et la reconnaissance pacifique de la diversité culturelle au premier ordre du jour. Des politiques d’éducation, d’immigration et de recherches comparées, des programmes de promotion et d’échanges culturels, des salons littéraires, des forums internationaux de discussion, seraient au nombre des plans à envisager, dans un esprit de dialogue avec les instances internationales existantes.

Ce Parlement de nations minoritaires (faudrait-il sans doute lui donner un nom plus convenable - ‘l'Assemblée mondiale des nations autodéterminées’ ?) disposerait d’une base permanente ou plurielle et rotative, au choix de représentants réunis en conseil constitutionnel. Sa composition ainsi que les règles de son fonctionnement régulier et exceptionnel seraient déterminées à la lumière de principes généraux reconnus au sein d’un texte fondateur original. Son établissement dépendra de la volonté politique exprimée via une première communauté de partis avisés. Ceux du Québec en seront-ils les pionniers ?

Ce Parlement indépendant répondrait non seulement à des besoins légitimes de sauvegardes culturelles, mais offrirait par ailleurs aux autres nations une leçon de sagesse que l’Histoire cette fois aurait du mal à ignorer. A Katmandou, Népal, où ce projet parlementaire suscite l’intérêt de politiciens tibétains en exil, victimes de l’oppression gouvernementale chinoise, l’on peut mieux apprécier la portée du succès québécois. De même qu’en Inde, où l'on reconnaît dix-huit (18) langues officielles. Unies, les nations minoritaires exerceraient en outre plus solidement leurs pouvoirs locaux.

L’avocat du diable n’aura pas tort de souligner que la réalisation de ce projet requiert la participation d’autres nations sur lesquelles le Québec n’exerce aucun contrôle. Il ajoutera également que des Etats indépendants indirectement intéressés, comme le Canada, ne conviendraient pas de toutes les mesures de soutien idéales désirées par un Québec-leader (dans un scénario plutôt optimiste) ou poseraient possiblement des obstacles au projet parlementaire (dans l’alternative). Il faut en réponse préciser que l’influence du Québec, dans l’établissement d’un parlement mondial, sera proportionnelle à la qualité de son projet et à la conviction qui l’animera, toutes mesures considérées. L’accord ou le désaccord d’Ottawa, explicite ou implicite, vis-à-vis de cette création internationale, se poserait d’une manière exemplairement décisive. Un désaccord, ouvert ou couvert, serait le signe d’une véritable oppression à l’endroit d’une nation minoritaire qui ne chercherait qu’à sauvegarder pacifiquement, sur la scène internationale, sa différence dans le respect de la construction identitaire canadienne. Un signe d’accord serait plus sérieusement envisageable si l’on doit compter sur la légendaire ‘flexibilité’ des politiques anglo-saxonnes. On ne doit pas en douter : un Canada obstructif ne ferait qu'encourager un recours complémentaire à l’ancien réflexe, c’est-à-dire la quête plus traditionnelle de l'affirmation politique québécoise. Ce qu’on appelle la bonne foi, dans les relations canado-québécoises, en est aussi l’enjeu.

Dans l’édition du journal Le Devoir du 25 avril 2006, l’auteur Yves Beauchemin affirme que « [s]i la liberté d'un peuple n'était pas une condition fondamentale de son bonheur, est-ce que tant d'hommes et de femmes tout au long de l'histoire auraient combattu pour elle ? ». La question est centrale mais néanmoins suggestive : qui se targuerait aujourd’hui de connaître les limites de ce que pourrait être un Québec libre, dans le cœur d'un peuple valeureux ?

On célèbrera plus certainement, un beau jour d’hiver, la prose de Nelligan à Bilbao et la poésie de Valluvar à Barcelone, quand il y ‘farà fred’ – comme sur Gaspé… ou presque.